Photo d'une personne qui essore un tissu pour en faire couler le lait de coco

Quels sont les bénéfices du Mana ?

Le Mana a-t-il des bénéfices sur la santé ? En quoi peut-il aider voire améliorer sa vie ? Le Mana en tant qu’approche de vie et lien fondamental avec le divin regroupe un ensemble de pratiques sacrées qui forment un « chamanisme » polynésien ou une médecine traditionnelle maorie qui a organisé la structure sociale et politique des sociétés d’antan. Ces outils englobent l’usage des plantes, l’utilisation des prières, les offrandes, les rites de passage, l’apprentissage des symboles, la connaissance des légendes ou des étoiles, une vie en harmonie avec les cycles de la nature… Un ensemble favorisant le bien-être.

Photo du fruit de l'arbre à pain (uru)

En tant que principe vital, le Mana renvoie au flot d’énergie. Présent partout dans le monde, il porte différents noms propres à chaque société : le QI / Ch’i (Chine / Japon) ; les cinq souffles d’apāna, prāna, samāna, vyāna et udāna (Inde) ; le nyiama (Dogon) ; le önd (mythologie nordique), le tonalli (Mexique) ; le ka (Egypte) ; le newen (Mapuche) ; le hijmor (Mongol) ; le ruh (le souffle de vie insufflé à Adam dans le Coran) ; l’esprit ou « spiritus » (Ancien testament, Bible)... En France, cette énergie vitale était nommée « Pneuma. » Souffle ou esprit aérien, le Pneuma était à l’origine de la vie mais aussi des maladies pour les médecins de l’Antiquité. 

Dans cet ensemble, le Mana propose des outils d’interprétation du monde selon les Polynésiens. Ces rituels de guérison forment une « ‘Avei’a », une feuille de route pour naviguer avec les « étoiles » tout au long de sa vie.… Cette démarche est déclinée à partir d’une vision commune, la formation des « Tahu’a » et une médecine traditionnelle.

Le Mana, une approche de la vie

Le Mana, outil de bien-être personnel ? C’est un peu court, jeune homme. Si Cyrano de Bergerac utilisait son verbe pour évoquer les bénéfices du Mana, il répondrait probablement que « le Mana, c’est une étoile, une boussole, une navigation ! » Dans la tradition polynésienne, les Tupuna (les anciens ou les porteurs de la sagesse) ont la responsabilité de transmettre ces savoirs pour forger l’esprit affuté de chaque enfant puis adolescent appelé à exercer une compétence au sein de la communauté. 

Vue d'une pierre du marae de Moorea

A l’école ancestrale maorie, les futurs Manu iti (les porteurs du Mana) suivaient des enseignements rigoureux autour de la botanique, l’astrologie, la géographie ou plutôt le positionnement des îles et des points énergétiques, les symboles et l’hermétisme, mais aussi, les arts plus connus de la danse, du chant, de la navigation, de la sculpture, etc. A terme, l’initié formé portait le titre de Tahu’a-parau-tumufenua ou « créateur de la connaissance originale terrestre. » D’autres structures d’initiations auraient existé et étaient nommées Fare ha’api’ira’a, des « maisons d’instructions. » Ces centres enseignaient la confection du tapa et artisanat, les compétences manuelles et artistiques étant essentielles pour générer en chacun, l’expression de son potentiel. 

Homme qui tatoue avec des outils traditionnelles

Le Tahu’a, l’expression du potentiel

Le Tahu’a est un mot polynésien, ils sont appelés les Tohunga en néo-zélandais ou encore, les Kahuna hawaïens. Le Tahu’a désigne une famille large de fonctions incluant les guérisseurs traditionnels, les voyants, les sorciers, les sages, les prêtes… En s’attardant sur la définition donnée par le Dictionnaire tahitien de l’Académie tahitienne, le mot Tahu’a se traduit par « expert. » L’histoire l’a assimilé à un prêtre. Le mot révèle au contraire que le Tahu’a pouvait remplir des fonctions très différentes. 

En tant que Tahu’a Pure, l’individu officiait comme prêtre, le plus souvent associé à un marae et à une communauté à qui il communiquait les messages divins. Il pouvait être le Tahu’a Tahutahu, le sorcier qui aidait à éliminer les sorts. Le Tahu’a rā'au
prodiguait des soins à travers la science des mélanges de plantes médicinales. Il pouvait être Tahu’a va’a, l’expert en construction de pirogues ou le Tahu’a taurumi, l’expert pour masser le corps. Le Tahu’a Ha’api’i avait le rôle d’éducateur, connu pour ses qualités pédagogiques. A ce titre, le Tahu’a est un expert dans son art, un professionnel réputé pour ses compétences. 

Aujourd’hui, le Tahu’a désigne le guérisseur ou le chamane polynésien. Il est un tradipraticien qui détient des connaissances du corps et des « corps » affectés par différents types de maux. Simone Grand rapporte de nombreux entretiens dans son ouvrage Tahu’a, tohunga, kahuna – Le monde polynésien des soins traditionnels. Au cœur de son ouvrage, émerge la figure du guérisseur polynésien Tiurai, considéré comme le « dernier Tahu’a » ayant exercé en parallèle de l’introduction de la médecine occidentale à Tahiti. Cet homme du XIXème siècle distinguait quatre groupes de maladies. Le premier mal touchait le corps, Ma’i Tino ; le deuxième affectait la pensée, Ma’i Mana’o ; le troisième qualifiait les maux liés à un esprit en général celui du défunt, Ma’i Varua ; et le dernier considérait l’âme, Ma’i Vaite. Pour compléter sa médecine, il administrait des décoctions aujourd’hui regroupées en « Rā'au Tahiti. »

Rā'au, la médecine traditionnelle

En décomposant le mot, Rā'au Tahiti signifie le « lien sacré », ce qui relie au divin. Dans le dictionnaire, le Rā'au est un arbre ou une plante, un morceau de bois et plus récemment, un médicament. Aujourd’hui, l’expression Rā'au Tahiti désigne la pharmacopée traditionnelle tahitienne. Décoctions, mixtures, crèmes artisanales… Les soins naturels pour se guérir sont très utilisés en Polynésie française. Les recettes de Rā'au Tahiti sont transmises dans le secret et avec l’approbation des anciens. 

fruit du noni

Quelques ouvrages transmettent les recettes de Rā'au Tahiti (Rā'au Tahiti publié par l’Académie tahitienne en 2018) ou établissent l’inventaire des plantes et leurs qualités (Plantes utiles de Polynésie et rā'au tahiti de Paul Pétard, réédité en 2019). La richesse des plantes polynésiennes a donné naissance à de nombreux produits reconnus pour leurs vertus comme le noni, le tāmanu ou encore, l’hibiscus. Cette pratique de la médecine des plantes complète une approche globale du corps où la décoction accompagne la guérison considérée comme un processus impliquant toute la communauté.