
Qu'est-ce que le Mana ? D'où vient-il ?
Le Mana est un mot ancestral et universel. Débattu, écrit et réécrit, oral et intangible, il est aussi invisible qu’incontournable. A Tahiti Et Ses Îles, le Mana est une expérience, une clé et un art qui sublime l’instant.
A la fois souffle vital qui relie les êtres humains et pratique qui initie à l’esprit polynésien, le Mana raconte les îles polynésiennes mais surtout, son peuple, sa sagesse, sa beauté… Le Mana est le lien qui transcende le corps, l’âme et le cœur.
Le Mana, ce pouvoir ancestral polynésien souffle à Tahiti et ses îles depuis leurs naissances. Il palpite sous les roches volcaniques qui ont fait émerger la surface des récifs coraliens et la majesté des montagnes verdoyantes. Couvrant une superficie de 4 163 km2, la Polynésie Française a été sculptée par sa présence invisible millénaire. Dans chaque archipel, chaque île, chaque banc de sable, le Mana se raconte comme un être vivant doté de la mémoire universelle. Quand l’oreille écoute, il murmure les mystères de l’univers et l’histoire du peuple polynésien.
Le Mana, une force ancestrale
De tout temps, les femmes et les hommes polynésiens ont célébré le Mana comme un lien avec le divin, une conscience de l’univers et une manière de vivre en harmonie avec la nature et ses manifestations. Les objets, les rites, les cérémonies, les activités communautaires… de nombreux us et coutumes dévoilent les liens intrinsèques entre le Mana et le peuple maori. Aujourd’hui, les témoignages de la force du Mana sont à la fois épars, acculés par le temps et évidents, vibrant au rythme de la richesse culturelle polynésienne.

Pour certains, il suffit de se rendre sur les marae (temple), ou les me’ae en marquisien, pour ressentir l’esprit du Mana. Au cœur de ces sites sacrés bien souvent appauvris par l’érosion, les vols de pierre, les inondations ou l’oubli, le Mana descend comme un rideau invisible et secoue d’un tremblement imperceptible. Situés sur des lieux dotées d’énergies telluriques, ils racontent les cérémonies, les nuits d’enseignement, les efforts quotidiens que les peuples anciens respectaient pour vivre en communauté.
D’autres préféreront la vibrance des mouvements fondamentaux… Le ‘Ori Tahiti, l’art de la danse tahitienne, enseigne les pas qui génèrent le Mana. Le Va’a, la conquête des vagues avec la pirogue, transmet le dépassement de soi. Le Tātau ou Matatiki (art graphique marquisien devenu patrimoine immatériel de l’UNESCO) retrace le chemin des hommes et des dieux. Les Ra’au tahiti (les décoctions médicinales) déploient l’art du Mana par les plantes, la réparation, la guérison, la libération des corps. Les plats polynésiens quant à eux activent les papilles et l’éveil des sens. Le Mana polynésien est un frémissement continu que les récits littéraires ou les essais scientifiques ont tenté d’éluder.
Le Mana, une autorité insaisissable
Le dictionnaire de l’Académie tahitienne décrit le Mana comme un pouvoir ou une autorité. Le premier à avoir circonscrit cette définition est l’explorateur et médecin allemand Ernst Dieffenbach référencé par le dictionnaire Oxford English Dictionary. Il est accompagné par John Davies (Tahitian and English Dictionary en 1851) ou encore, par Etienne Tepano Jaussen (Dictionnaire de la langue polynésienne datant de 1861.)
L’autre définition la plus répandue renvoie à la « force spirituelle » et aux pratiques religieuses observées par les explorateurs européens dont James Cook dès 1769 ou le pasteur Robert H. Codrington. L’anthropologue Marcel Mauss dans Esquisse d’une théorie générale de la magie ou encore, Teuira Henry, fille de pasteur et autrice de Tahiti aux temps anciens, partagent l’acceptation du Mana comme « force mystérieuse et surnaturelle. » Au fil de ces écrits, le Mana semble indéfinissable. La difficulté de le retranscrire traduit son histoire, celle d’un art de vivre polynésien à la fois mystique et né d’un héritage ancestral oral.
Le Mana, une expérience universelle
Pour nombre de Polynésiens, le Mana est une expérience invisible, inaudible, intangible… Le Mana est une émanation qu’il revient à chacune et chacun de se réapproprier. Elle est une essence qu’il convient d’accueillir sans tenter de la comprendre, la saisir ou la figer. Le Mana est une somme de connaissances, d’actions et d’instants. A l’image du Mana qui s’accumule dans les jeux vidéo, il se développe sans être ni maîtrisable, ni maîtrisé. Le Mana passe tel un flux, une force innée et une énergie vitale qui enseignent les vertus de la simplicité, l’authenticité ou encore, l’humilité. Il se présente dans sa nature brute, sauvage et évidente pour faire vivre « l’Aroha », mot qui pourrait se traduire par la compassion véritable.
Le Mana partage nombre de principes fondamentaux universels que les traditions sacrées du monde entier transmettent. Le Mana, dont l’étymologie viendrait de Manu, relève de la « cosmogonie » ou « spiritualité. » La racine du Manu se retrouve en Inde, dans la Manu-smṛti traduit par les Lois de Manu rédigées entre 1250 et 1000 avant notre ère. Ce texte édicte une série d’obligations à chaque membre de la communauté et en fonction de sa classe d’appartenance. Les différentes références prescrivent des codes de conduite, décrivent différents rites (purification, deuil, mariage…) et proposent une approche spirituelle du mode de vie dont les textes néozélandais partagent la perception d’un précepte supérieur que l’organisation sociale se doit de protéger.

En tant que flot et cycle, il transmet la conscience des lois fondamentales maories que sont le Tapu (le sacré), le 'Utu (le respect de l’univers) et le Muru (la réparation). Au fil de cette expérience, le Mana s’invite en nous, chacun a la responsabilité de le laisser circuler et de l’accueillir avec le cœur. Pour l’expérimenter, le Mana demande des qualités d’esprit, celles de l’ouverture, de l’écoute, de la patience et aussi, du plaisir curieux. Expérience fondamentale du temps, il délie notre « Tahu’a », c’est-à-dire, nos compétences intrinsèques qui nous permettent d’exprimer notre plein potentiel. Vertueux, il propage la joie, le rayonnement et la puissance. Dans ces traditions, le Mana correspond au chamanisme polynésien.