Mana Tua Bennett, prodige de la roue arrière
Mana Tua Bennett, 20 ans, vient d’intégrer le programme ambassadeur d’Air Tahiti Nui. Originaire de Punaauia, passionné d’audiovisuel, ce jeune Polynésien est un virtuose de la roue arrière en deux roues, moto ou vélo. Discipline sportive hors-la-loi décriée, il revendique l’aspect artistique de la « bike life » et milite pour la pratique raisonnée de cette discipline tout en faisant la promotion de la langue polynésienne qu’il utilise dans ses vidéos. Il projette de partir aux Etats-Unis pour le tournage d’un documentaire. Interview.
Parole à Mana Tua Bennett :
Peux-tu te présenter ?
« Je suis originaire de Punaauia. Dans la vie, à part m’entraîner à moto ou à vélo, j’ai une passion pour l’audiovisuel. Bien que ce que je fais est assez amateur pour l’instant, j’aimerais en faire mon métier plus tard, d’où mes etudes en licence d’information-communication à l’Isepp. »
Peux-tu présenter ta discipline ?
« La « street bike life », c’est une pratique de rue qui vient des banlieues défavorisées de Baltimore et de New York. Ils avaient lancé le slogan « Bikes Up, Guns Down » (ndlr levez les roues, baissez les armes) par rapport à la violence des quartiers. Il n’y a pas de compétitions officielles bien qu’il existe des compétitions de « stunt » aux Etats-Unis. Il y a des rassemblements dans divers pays « Battle on the Highway » aux US, en Angleterre il y a les « Swerve Sunday » et en France les « Paris Ride Days. Concernant le vélo à Tahiti, il y a le Tahiti Ride Contest auquel j’ai participé l’année dernière et cette année j’ai été invité en tant que jury. C’est pas vraiment un sport compétitif mais assez collectif de base, j’ai pu organiser quelques « ride out » ces dernières années pour réunir les jeunes dans un spot et passer des moments ensemble plutôt que de traîner dans la rue. On avait pu avoir l’appui des communes de Papeete et Punaauia, la première avait été médiatisée en 2021. »
Ton parcours dans le sport ?
« C’est assez ironique, de base je n’aimais pas vraiment ce sport et quand les collègues m’en parlaient, au collège, je ne suivais pas vraiment mais arrivé au lycée j’ai fini par accrocher, finalement c’est devenu ma passion et une partie de moi-même carrément. Je pense que quand les gens me voient, ils ont directement l’image du gars en roue arrière sur un vélo ou une moto. Je suis pratiquant de « street bikelife » depuis 2018 en vélo et en moto depuis l’année dernière. Depuis 2020, j’ai pu intégrer l’équipe américaine Oneway basée à Philadelphie. Cette discipline ne fait pas l’unanimité mais nous faisons en sorte de faire entendre notre voix pour essayer de trouver des moyens d’encadrer la discipline que nous voyons à la fois comme un sport et comme une forme d’art. »
Tu penses aux éventuelles blessures et leurs conséquences ?
« A l’époque où j’ai commencé, j’avais quinze ans, c’était l’époque de l’insouciance, aujourd’hui je lâche un peu l’accélérateur même si d’un côté je vois ça comme un frein dans la performance. La prise de risque peut parfois s’avérer trop grande, à vrai dire plus on avance, plus les risques d’avant sont mis de côté et ainsi de suite mais faut savoir doser pour pas finir dans un cercueil trop vite. La pratique sportive présente toujours un risque et c’est à chacun de voir jusqu’où il est prêt à aller pour devenir meilleur, c’est un dépassement de soi et ça force évidemment à adopter une certaine discipline pour maîtriser la chose tout en s’évitant les blessures, bien que tout peut arriver. »
Tes projets pour cette année ?
« Cette année, je devrais partir à Baltimore, Philadelphie et New York pour le tournage de mon documentaire « Tere no te hau » (ndlr conduire pour la paix) avec Mr Bizness, un réalisateur américain et grand ami. Concernant ma carrière sportive, je vise l’international, j’aimerais vraiment réussir à percer dedans et surtout promouvoir la beauté de nos îles. Depuis janvier, nous sommes rattachés à la fédération de motocross de Polynésie française et ça c’est un grand pas en avant. J’espère qu’on pourra continuer de promouvoir cette discipline sportive pour inciter nos jeunes à faire ça, plutôt que de se battre ou de se droguer. J’ai des amis en Colombie, en France, au Royaume Uni et ailleurs dans le monde avec qui j’aimerais rouler et travailler pour montrer l’aspect artistique de la discipline. »
La promotion de la langue tahitienne te tient à cœur ?
« La langue polynésienne me tient énormément à cœur, c’est ma première langue et je n’ai jamais parlé français avec mon père. Je pense que notre peuple devrait impérativement parler sa langue car c’est la racine de notre culture. J’essaie de m’adresser à tout le monde que ce soit dans mes vidéos du lundi (monirē fa’a’ana’anatae) ou autre. C’est important, même si ce n’est pas parfait, de nous rappeler d’où nous venons et de notre identité culturelle. Normalement, la voix off de ma prochaine production sera en Reo Tahiti et j’essaierais de faire de même à chaque fois à l’avenir. »
Ton rôle d’ambassadeur Air Tahiti Nui ?
« Mon rôle d’ambassadeur ATN, pour moi c’est un rêve qui se réalise, ça me permet de représenter une communauté de sportifs. Surtout, je pense à nos jeunes, quand je vois Henri Burns ou Kauli Vaast représenter le Fenua ailleurs, ça ne peut qu’être remarquable. J’espère être un bon ambassadeur tout en gardant une image authentique, qu’elle plaise ou non « #AniFesse ». Dans tous les cas, je suis pleinement reconnaissant à ATN et merci Seigneur, j’espère que cette chance pourra profiter à beaucoup de monde. » SB/ATN