Que faire aux îles Marquises ?
Les 12 îles qui composent l’archipel des Marquises, dont six sont habitées, sont au nord-est de la Polynésie française, à 1500 km de Tahiti et près de 1800 km de Bora Bora. C’est un autre voyage que d’aller aux Marquises : une expérience unique et marquante.
Le pilote de l’avion qui a décollé de Tahiti il y a plus de 3h nous prévient : « Nous arrivons dans quelques minutes à Nuku Hiva, et allons traverser quelques turbulences avant d’atterrir. »
L’impression de pèlerinage
Nuku Hiva est l’un des trois aéroports des Marquises, avec ceux de Ua Huka et Hiva Oa.
Effectivement, ça secoue à l’arrivée. Mais l’ATR 72 passe sans problème et se pose à l’aérodrome Nuku A Taha, Terre déserte. Il porte bien son nom. Je m’attendais à une luxuriance encore plus affirmée que dans les îles de la Société, c’est une steppe. D’un coup, le soleil s’engouffre sous une barre de nuages noirs. La terre déserte se dore alors de soleil et de pluie. Nous restons figés devant cette lumière d’une beauté irréelle. Elle est particulière, la lumière, aux Marquises.
On ne fait pas de tourisme quand on part découvrir les Marquises. Ma première impression est plutôt celle d’un pèlerinage quand j’évoque la Terre des Hommes, Henua Enana en marquisien. C’est le vrai nom de cet archipel qui est à l’extrême nord-est de la Polynésie française. En effet, si le nom Marquises est le plus connu, il fut donné par l’Espagnol Álvaro de Mendaña en 1595. Le nom « Terre des Hommes », millénaire, revêt un sens autrement plus profond.
A la conquête du triangle polynésien
Les îles Marquises portent en elles une part essentielle de l’histoire polynésienne. Ce sont en effet les ancêtres des Marquisiens qui partirent à la conquête de l’Océan Pacifique Est, Nord et à l’extrême Sud-Est. Leur témérité, la confiance qu’ils accordaient à leurs dieux et leur connaissance des étoiles les ont menés jusqu’à Hawaii et Aotearoa (Nouvelle-Zélande) au sud-ouest. Les Hawaiiens et les Maoris parlent d’ailleurs encore de nos jours une langue polynésienne proche du marquisien.
A l’est, ils atteignirent les côtes d’Amérique du Sud, dont ils rapportèrent, entre autres, patate douce (kumara), calebasse (hue) et peut-être des influences qui se sont traduites par une maîtrise rare de la sculpture et la réalisation d’un art statuaire parfois géant, inégalé dans toute la Polynésie.
Vous ne pourrez pas tout visiter, aux Marquises, tant les îles sont complémentaires et riches de paysages, de patrimoine et de sites archéologiques. Faut-il choisir ? Je vous en propose six.
Nuku Hiva la septentrionale
Depuis l’aéroport, nous sommes à environ 1h30 de piste ou de route cimentée des différents villages, Taiohae et Taipivai, tous deux au sud de l’île. Il faut presque autant de temps pour aller visiter la vallée de Hatihe’u – où Robert Louis Stevenson a écrit quelques-unes de ses plus belles pages –, ses vestiges archéologiques, ceux de Hikokua… L’île est une succession de montagnes dominées par le mont Tekao, qui culmine à 1224 m, entrecoupées de vallées, de falaises acérées tombant dans la mer, de baies reposantes. Et puis ce fascinant canyon que l’on ne pensait trouver qu’en Amérique du nord, que l’on longe depuis l’aéroport et qui marque la frontière entre le nord aride et le sud luxuriant.
Un vol avec Tahiti Nui Helicopters est ici une expérience unique, qui offre une meilleure compréhension du relief de l’île, sa beauté brute, sa géologie, son éloignement : cet ensemble tellement distinct qui a forgé le caractère des Marquisiens.
Les sites archéologiques majeurs, sont complétés par des merveilles naturelles : grottes, baies efflanquées, plages de sable noir, de blanc aussi dans la baie de Anaho, cascades dont celle de Vaipo qui chute de 350 mètres dans la vallée de Hakaui.
Ua Pou, les pitons du ciel
Toujours dans les Marquises du nord, Ua Pou est à mon sens incontournable, tant pour sa géographie unique que pour son patrimoine original. Les quelque 2200 habitants possèdent des qualités artistiques, de la sculpture au chant en passant par la danse, comme s’ils recevaient un don divin.. La culture marquisienne est d’ailleurs omniprésente sur l’île, tant dans les sites archéologiques qu’au quotidien. Même la nature s’est prise au jeu de l’art, avec les cailloux fleuris de la vallée de Hohoi.
Il faut arriver en avion à Ua Pou, juste pour l’atterissage à l’altiport, encaissé entre deux flancs de montagne. Emotion garantie, je n’en dis pas plus. Mais ce n’est pas tout : cette arrivée permet d’admirer ses pitons dressés comme pour soutenir le ciel. Le mont Oave, qui culmine à 1 230 m, Matahenua (1228m) et Poutetainui (979), aiguilles de basalte aux parois vertigineuses, sont accompagnés d’une douzaine de pinacles, autant de piliers donnant à l’île une allure de cathédrale. On se sent tout petits.
Ua Huka, l’île sauvage
C’est la dernière île du nord, la plus petite. Elle compte moins d’habitants (six centaines regroupées sur la côte sud de l’île) que de chevaux sauvages (1500 environ) et de chèvres en liberté. L’île est un jardin tropical, qui protège ses sites et raretés archéologiques : les tikis rouges de Meiaute et les pétroglyphes du plateau de Vaikivi sont d’une rare finesse.
Fatu Hiva, l’authentique
Direction les Marquises du sud, en commençant par la plus méridionale, l’intime Fatu Hiva. Fatuiva devrais-je écrire, le « h » ayant été ajouté, comme pour Mehetia au sud de Tahiti (Me’etia), par un greffier distrait au XIXe siècle.
La baie des Verges, auxquelles les missionnaires ont ajouté un « i » de pudeur, est l’une des plus belles de Polynésie, et pourtant la compétition est rude. Elle abrite le village de Hanavave, protégé par des colonnes de basalte, comme si des géants de pierre veillaient sur les hommes.
Omoa, au sud-ouest, est réputé pour son pétroglyphe géant représentant un énorme poisson.
Fatuiva est l’île du tapa, écorce végétale sur laquelle des motifs sont tatoués. C’est un souvenir durable, contrairement aux couronnes de umuhei, enivrantes de leur parfum unique dont les femmes se paraient pour séduire les guerriers.
Tahuata, l’histoire vécue
Le 27 juillet 1595, un navire sans balancier – comme en étaient équipées toutes les pirogues polynésiennes, de migration, de guerre ou de pêche –, entra dans la baie de Vaitapu, au sable blanc et à l’eau turquoise, ce qui est assez rare aux Marquises. Les Espagnols furent les premiers Européens en Polynésie orientale . C’est ici que le nom « Las Islas Marquesas Don García Hurtado de Mendoza y Canete », en hommage à l’épouse du vice-roi du Pérou, fut donné par Álvaro de Mendaña de Neira, commandant les navires d’exploration espagnols. Au fil des ans, on ne garda que le début du nom.
Tahuata, c’est aussi septembre 1842 et l’affrontement entre les Français et les habitants de Vaitapu, sur les contreforts de la vallée de Vaitahu. Le cimetière des marins français tués durant ces journées se visite toujours, celui des Marquisiens s’étant fondu dans la nature.
Au sud-ouest, le village de Hapatoni mérite une visite pour son antique allée royale entièrement dallée et les pétroglyphes de Hanatefau. Un tour de l’île est d’ailleurs nécessaire pour s’imprégner de sa beauté très préservée. Surtout, restez déjeuner : c’est l’île aux langoustes, parfois géantes !
Hiva Oa, le pèlerinage
Terminons avec la plus grande île, Hiva Oa, peut-être la plus emblématique, ou la plus attachante, en tout cas la plus célèbre des Marquises. Elle est l’écrin des tombes de Paul Gauguin et de Jacques Brel, enterrés à Atuona, et des souvenirs qu’ils ont pu laisser, comme la Maison du Jouir de Gauguin.
Site naturel exceptionnel avec ses baies, plages, vallées (dont la jolie vallée de Hanaiapa), elle est aussi un site majeur d’habitations et de centres cérémoniels pré-européens. Upeke et Pata, dans la vallée de Taaoa, Lipona à Puamau, avec leurs plateformes (paepae), places de rassemblement (tohua), lieux de culte (me’ae), s’étendent parfois sur plusieurs hectares.
Dans ces grands ensembles archéologiques, que l’on gagne en franchissant une végétation dense d’arbres au bois précieux ou d’arbres fruitiers géants, des pétroglyphes cachés (Hatiheu) et les plus grands tikis de Polynésie se révèlent à vous, dont Takai’i et ses 2,60 m de haut. Ce plongeon dans l’histoire est troublant. Ajouté à la beauté des lieux, à la gentillesse et à l’accueil de ses habitants, on comprend pourquoi Brel et Gauguin y ont élu leur dernier domicile.
Bon à savoir : les Marquises étant très à l’est de Tahiti, un décalage horaire de 30 mn est à ajouter (dans le sens Tahiti-Marquises, à retirer au retour). Non, cela ne vous donnera pas une demi-heure de plus sur place pour acheter de magnifiques sculptures, mais c’est important à savoir si vous avez des visites ou des vols programmés -;)